Argentina – Amaicha del Valle : Pachamama, kusilla, kusilla !

Je ne le savais pas, mais le 1er août est une date importante pour les communautés andines: c'est le jour de rendre hommage à la Pachamama, en lui faisant des offrandes pour la remercier de ce qu’elle a donné pendant l'année écoulée, et lui demander d'être généreuse pour l'année à venir - en fait, tout le mois d’août lui est consacré et des corpachas sont organisées tout du long, du moins dans le NOA.

C’est quand même mon 3e « 1er août » sur le continent... Je ne sais pas si c'est que les habitants de Chugchilan, Ecuador – où j'ai passé mes 2 autres 1er août - ne célèbrent pas (mais j'en doute...), ou plutôt que j'en ai pas entendu parler (probable..). Car il faut savoir qu'il y a encore quelques années Seba, son frère et don Marcos (leur père) devaient se cacher pour effectuer ce rituel millénaire car associé à de la sorcellerie !!!

Je n'ai jamais eu de religion, mais comme tout être humain j'ai (besoin?) des croyances. Et si j'ai toujours eu une fibre écolo, depuis le début de ce voyage, j'ai progressivement décidé de « croire » en la Pachamama, la Terre Mère, celle qui nous donne tout et nous entoure.

La cérémonie a lieu le 1er août, et celle organisé par don Marcos et Seba gagnant chaque année en popularité, ils ont voulu améliorer un peu le lieu. Pour ma part, j'ai donc été en charge de nettoyer le sendero qui monte jusqu'à la plateforme cérémoniale (waca) et agrandir la dite waca. Entends par là que d'un chemin caillouteux et possiblement casse gueule, j'ai fait une autoroute de sable - dixit Seba - à coup de râteau!

le sendero arrivant à la waca - avant...
... et après! :D
la waca, après
C’était physique (mais gratifiant) car le chemin était bien pentu, mais le cadre de travail était sympa.

vista depuis la waca
mes essais photo...
Passons maintenant au jour J : après un réveil matinal (6h30), départ groupé de la casa d'Ile et Seba pour rejoindre celle de don Marcos, où il s’active déjà pour chauffer l'eau qui servira à l'élaboration du locro pour l'almuerzo.


Le froid se fait bien sentir, mais en sirotant un té de ruda – à prendre ce jour-là pour se nettoyer et bien commencer cette « nouvelle » année – autour du feu, on l'oublie vite.


Vers 8h, l'ascension en file indienne vers la waca commence après avoir demandé permiso à la Pachamama, au niveau d'une première apacheta, un tas de pierre de forme conique.

buenos dias Tata Inti!

Seba y don Marcos s'attèlent alors à l'ouverture de la boca (située à côté d'une autre apacheta) et déterrent la « piedra del tiempo» pour la "lire". Selon 'humidité de la terre dessous, l'année à venir sera plus ou moins sèche. Apparemment cette année la pluie devrait être là et aider les agriculteurs de la vallée...


Parmi les offrandes de l’année précédente, ils sortent également des botellas de aguardiente, qu'ils font circuler pour qu'on les sirotent : ça réchauffe/réveille ! La boca est ensuite recouverte d'un drap jusqu'à 12h , heure à laquelle auront lieu les offrandes.

whipala, apacheta, boca: les éléments clés d'une corpacha

En attendant, ceux qui voulaient ont participé à la desgranada de maiz qui servira pour la préparation du locro de l'an prochain. Pendant que d'autres jouaient de la musique traditionnelle, partageaient le desayuno, se recueillaient, discutaient... 
Pour moi, ces quelques heures ont été belles: pas de barrière de langue, d’échelle sociale, d'âge, de sexe, d'origine, tous à travailler collectivement pour quelque chose dont la majeure partie ne bénéficiera pas car ce sera pour le locro de 2019 (mais on va profiter du travail des personnes de l'an dernier). Bref, pour moi la vie en Communauté dans sa plus belle représentation :D



Et si on était que quelques dizaines de courageux à s'être levés tôt pour voir l’ouverture de la boca, ça a du facilement atteindre les 100 personas pour la cérémonie!
Et chaque année, de plus en plus de personnes participent : il y a les fidèles qui viennent depuis 2,3,4+ ans (et de loin), et les nouveaux, à Amaicha au bon moment un peu par hasard (comme moi) et ceux qui en ont entendu parler grâce à d'autres (comme toi dans le futur ;)).

don Marcos et la señora Catalina qui chantent una copla
Une fois les offrandes déposées dans la bocamaiz, hojas de coca, fruits, eau, vin, mate, pain.... - elle est refermée, sans oublier de remettre la piedra del tiempo en place. 
Pour clôturer la cérémonie et continuer sous le signe du partage, don Marcos a l’habitude d’offrir l'almuerzo : un délicieux locro (de maiz ou de trigo - j'ai aimé les 2), préparé à base entre autres de quelques 12kg de zapallo pelés par les huéspedes et moi la veille, et le maiz desgranado l’année dernière.

gracias à la cocinera qui s'est chargée de préparer ces 4 marmites!
Un des aspects qui m'a plu dans cette cérémonie, outre le partage en communauté, c'est qu’elle n'a rien de religieux - à certains moments ça ma paru un peu « religieux » quand même - ni politique, et elle peut se célébrer dans le monde entier. Certes c'est une chose léguée par les comunidades andinas, mais au final la Pachamama elle est partout autour de nous.
Et j'ai demandé à don Marcos, s'il fallait une certaine « légitimité andine » pour organiser una corpacha: le plus important c’est de le faire avec son cœur, il m'a dit :)

Donc le jour où j'ai mon chez moi, avec mon terrain – ça arrivera bien un jour - je pense que j'organiserai des corpachas, pour remercier la Pachamama de ce qu'elle voudra bien me permettre de cultiver dans ma huerta. J'ai déjà une mini-whipala, le drapeau multicolore, emblème des peuples andins. Et si ça t’intéresse, tu seras plus que bienvenid@ à y participer.
Mais si tu en as l'occaz, c'est mieux de le vivre à Amaicha ou tout autre lieu du NOA, ou pays andin ;)

Pour ma part, je suis très heureuse d'avoir pu participer à ma première corpacha à Amaicha, en présence de Seba, don Marcos et Ile, qui le font avec tout leur coeur, de manière traditionnelle et non pas touristique. Et je suis contente d'être arrivée à Amaicha à cette période pour avoir vécu la fiesta du vino patero et la corpacha : j'aurais du être à Cafayate... rien n'arrive par hasard, donc ? ;)

gracias don Marcos, Sebastian y Ileana :D

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